RESISTANCE UNIE en Gironde


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d'un Français libre.
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Témoignage de Louis Bernon. (page n°3)

Après s'être reposé nous reprenons la route vers le village, chemin faisant nous rencontrons des carabiniers armés de grands fusils impressionnants (escopettes) qui nous arrêtent, nous demandent de les suivre avec ces derniers, nous gagnons un bosquet à l'abri des regards . Après présentation de notre carte d'identité il nous font remplir les formalités d'usage. L'un deux parle un peu le français. Il nous rassure, nous disant que ce soir, nous rentrerons au Village d'Isaba, bien entendu à pieds.

Nous sommes en début de l'après-midi nous mangeons avec eux, nous avons quelques heures pour nous reposer.

Puis c'est l'heure de partir, nous arrivons à la nuit au village. A première vue ; un grand bâtiment, une cour, puis nous sommes reçu un par un dans le bureau du chef de l'établissement pénitentiaire. Après l'interrogatoire il faut rejoindre la prison qui se trouve dans un vieux bâtiment, mal éclairé. Avant de rentrer, on nous donne une paillasse et une couverture, à l'intérieur se trouvent 10 gars récemment dans les lieux et pour les mêmes raison. A voir la place qu'il y a pour 15 cela va être compliqué; enfin il faut faire avec! On n'a pas le choix! il a une petite table, l'urinoir dans un coin, une fenêtre à une certaine hauteur avec des barreaux. Après s'être installés tant bien que mal, les uns comme les autres nous n'avions pas envie de discuter, car nous étions vraiment épuisés. Il fallait bien parler du lendemain car nous ignorions tout de notre destinée; Pourvu que nous soyons pas remis à la frontière aux Allemands. Nous avions le statut de réfugié pour échapper à un refoulement; mais ! (février 1943 des propositions étaient faites aux Espagnols par les Allemands : un réfugié contre une prime de 200 pesetas).

Il est 23 h 00 environ la porte de la prison s'ouvre. on nous porte à manger (pain, sardines de baril et de l'eau) Dehors, nous entendons la musique les gens chantent; ils fêtent la Saint-pierre, bonne fête, Pierrot Latrubesse pour ta première nuit en prison. Si Dieu le veut nous fêterons cela plus tard. Après avoir surmontés avec détermination ces dures épreuves physiques, morales, il faut se reposer. Mais se trouver dans ce lieu c'est quand même humiliant.

Le 30 juin vers 9 h 00, la porte de la prison s'ouvre, deux gardes nous apportent le café, puis nous passons une partie de la journée à dormir, dans l'incertitude. Qu'est ce qu'ils vont faire de nous! à 15 h 00 on nous annonce le départ en car, pour la prison de Pampelune. Un garde nous accompagne jusqu'à l'autobus mousqueton à la bretelle. Nous pouvons admirer le paysage. Il est 21 heures nous arrivons à Pampelune bien encadrés par les carabiniers, ils nous conduisent au commissariat où ils nous font une carte d'identité. En attendant, ils nous donnent un petit pain à l'omelette et un peu de vin. Vers 1 heure du matin, ils nous conduisent à la prison (une vraie forteresse, par une grande allée bordée d'arbres, bien alignés sur deux rangs, nous rentrons en sifflant "la madelon"; en faisant la curiosité de quelques personnes!

Les portes de la prison s'ouvrent devant nous, puis se referment. On entend le sinistre bruit des clés, la lumière est plutôt faible, c'est le silence le plus complet, ne parlons pas de l'odeur qui se dégage. Nous montons au premier étage, par un escalier en fer, le gardien ouvre la porte de la cellule, on nous donne deux couvertures; nous rentrons la porte se referme. Il y a un type couché dans le lit nous sommes donc 5; on s'installe comme on peut.

Le 1 juillet - Réveil au clairon à 8h30, distribution du café, il faut descendre pour la coupe de cheveux à ras et la douche commune. A midi régime patates et féveroles avec un peu d'huile d’olive et un petit pain 350 grammes environ. A 15 heures sortie dans le paséo, nous sommes environ 250 types. Les petits groupes se forment toujours sous haute surveillance des gardiens dans le silence le plus complet. Nous avons eu le temps de reconnaître un partie des lieux, au centre de la prison , une estrade ronde en bois où le prêtre effectuera l'office religieux, les détenus hommes espagnols à droite, les femmes à gauche, nous en face. Pendant la messe obligatoire, nous devions chanter; A la fin de la cérémonie, un gardien criait " Arriba franco !" Il fallait répondre " Arriba !" certains remuaient leurs lèvres, Il ne fallait pas oublier de s'agenouiller pendant l'eucharistie. Attention la régle était obéissance aux ordres: la crainte permanente et l'ignorance du lendemain étaient le lot quotidien.

A 19 heures, on rentre dans la nouvelle cellule où nous sommes 4 (Pierre latrubesse - André Joly - parisien de 43 ans et son copain Béarnais de Narp - René Loustau.

3 juillet - même programme

4 juillet - Réveil à 7 heures pour la messe obligatoire sauf les malades, nous avons droit au café (sans sucre) le déroulement de l'office religieux cité plus haut - aujourd'hui nous avons la première distribution de vivres par la croix rouge américaine - Une petite boite de pâte, du lait en poudre, de la margarine, de la confiture et un morceau de savon qui servira à nous laver et pour notre petite lessive que nous faisons â tour de rôle et par cellule dans une pièce au rez de chaussée. Puis jusqu'au 10 Juillet pas de changement.

11 juillet 1943 - Une distribution de 2 paquets de tabac, je ne fume pas mais ça pourra servir plus tard pour faire du troc. Bientôt dix jours que nous sommes dans cette forteresse et tous les jours la même chose-le pense souvent à ma famille qui est sans nouvelle depuis mon départ. Quatre dans la cellule qui n'est faite que pour une personne, que c'est dur, très dur, notre santé se dégrade. Après ces journées de privation alimentaire. on se rend compte de la réalité de l'internement, nous avons plein d'espoir de sortir rapidement de cet univers hostile, déconcertant, humiliant; nos gardiens ont une indifférence à la vie humaine. J'ai des douleurs d'estomac et de diarrhées occasionnées sûrement par l'huile qui se trouve dans les ragoûts journaliers de patates, peut-être aussi d'avoir bu beaucoup d'eau fraîche en passant les Pyrénées, je ne suis pas le seul, ça nous affaiblit énormément.

Demain nous demanderons à l'infirmier de nous donner un calmant. Une partie de la nuit, nous sommes réveillés par les cafards qui courent un peu partout, les punaises nous sucent le sang mais défense de les écraser sur les murs cela ferait sale. La nuit est ponctuée régulièrement d'appel des sentinelles qui depuis l'extérieur, sur les miradors, gardent la prison, elles s'interpellent à tour de rôle par (Alerta uno) la réponse intervient immédiatement par (Alerta dos) ainsi de suite. Ils passent aussi pour contrôler les barreaux, quel tintamarre ! Dans quel univers sommes nous ! nous arrivons à surmonter ces épreuves vraiment très dures physiquement, qui affaiblissent la résistance du corps aux maladies.

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