Ici Londres...

Accueil Quelques messages
personnels

Georges Bégué

                   Certains se rappellent encore des soirées familiales passées, dans l’ombre d’un abat-jour, en cercle serré tout près du poste de T.S.F., cherchant à percevoir ces voix qui, venant de Londres, apportaient à chacun les dernières informations des divers fronts sur lesquels se jouait la Liberté du monde moderne. Grands et petits, tous attendaient. Tout bruit était proscrit car il eut été dangereux d’augmenter le volume sonore de l’émission ; la rue n’était pas loin, le voisinage peu sûr… Ecouter « Radio-Londres » se faisait en famille.

         Qui, à cette époque n’a pas joué avec ces petits drapeaux de couleurs montés sur des épingles que l’on faisait mouvoir sur la carte des combats, une carte que l’on cachait, tout de même. Et puis, malgré le brouillage de la moulinette allemande, malgré le fading boulimique s’acharnant sur ces voix d’Outre-Manche, tous nous attendions, avec impatience, le moment mystérieux et parfois poétique des messages personnels. Messages sibyllins que nous ne pouvions comprendre mais qui nous rassuraient ; car ils apportaient à chacun la certitude qu’un autre combat, clandestin celui-ci, se déroulait dans nos villes, dans nos forêts. Ces messages, hermétiques à nos oreilles, apportaient l’espoir aux « soldats de l’ombre », qu’ils soient tapis au sein d’un maquis ou cachés dans l’anonymat des villes. Ils laissaient entrevoir des parachutages, d’armes, d’agent, d’argent. Plus tard, ils transmettraient les ordres déclenchant les coups de mains, les opérations de guérillas, la mise en route du plan « Tortue », l’annonce du débarquement… Certains restent encore dans nos mémoires. Il y a, bien sûr, celui que chacun connaît qui annonçait le débarquement : « Les sanglots longs des violons de l’automne » suivi de « Blessent mon cœur d’une langueur monotone. » Mais quelles raisons poussèrent Georges Bégué à inventer ce mode de communication, ces messages personnels ?

Georges Bégué, venu à Londres pour continuer le combat, est transféré le 13 août 1940, dans un centre de recrutement, puis, à Catterick Camp, près de Darvington, pour apprendre l’utilisation d’un central téléphonique. La déception s’abat sur notre homme qui envisage de demander sa mutation dans la R.A.F. Et puis, en janvier 1941, les services secrets britanniques lui proposent une mission en France qu’il accepte sans tarder. Donc, entraînement radio puis, entraînement au parachutisme. Il sera largué dans la nuit du 5 au 6 mai 1941, avec un poste émetteur, dans la région de Varan, entre Vierzon et Châteauroux. C’était le premier envoyé  en France du S.O.E section F.

« Bégué s’est vite rendu compte des difficultés auxquelles vont se heurter les opérateurs qui ne disposent que d’un très petit nombre de canaux et ne peuvent, pour des raisons de sécurité prolonger outre mesure leurs « vacations » avec Londres. Pourquoi s’est demandé Bégué ne pas se servir des puissants émetteurs de la B.B.C. qui sont partout entendus ? L’idée était excellente. Les modalités d’application furent minutieusement mises au point et c’est en septembre que passera enfin sur l’antenne le premier de ces « messages personnels » qui, par la suite, seront certains soirs si nombreux. Le texte du premier message, « lisette va bien », et sa diffusion annoncera, à Bégué, une opération aérienne. »[1]

Il semble que les « messages personnels » n’aient pas fait l’objet d’un archivage particulier et c’est bien dommage. Il n’est pas interdit de penser que certains responsables de parachutages aient pu conserver, jusqu’à aujourd’hui, dans leurs armoires, les textes de messages leur annonçant les opérations programmées. Il serait grand dommage de voir disparaître ces éléments ; c’est donc, avec insistance, que nous demandons à tout possesseur de tel document de bien vouloir songer à leur conservation ou, encore mieux, de nous les confier. Ce serait bien là un devoir de Mémoire !


 

[1] Histoire de la Résistance en France, Henri Noguères.