RESISTANCE UNIE en Gironde
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Odyssée des passagers du " MASSILIA " par René BOSDEDORE. | ||
"R.U. n°68 page 1 juin 2004 |
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Ralliement de territoires |
Les messages de soutien adressés en ce sens aux présidents Jeanneney et Herriot jusque dans les journées du 21 et du 22 juin, témoignent
bien de l'état d'esprit dans lequel ils se trouvaient encore à ce moment-là.
Jusque là le général Nogués semblait encore tout à fait résolu à prendre la tête du mouvement de la résistance. au lendemain de son
fameux appel du 18 juin, le général de Gaulle ne lui avait-il pas été télégraphié qu'il devait être "le grand chef de la résistance
française...?".
Nogués avait également reçu des messages de soutien des autorités françaises des Somalies, de Syrie, de Tunisie, d'Algérie, d'Afrique
Occidentale et Equatoriale, du Cameroun, pour que la lutte soit continuée en Afrique. Dans une de ses pages, Jacques Chastenet expose
le plan de Nogués: occuper préventivement le Maroc espagnol pour y barrer la route d'accès aux Allemands si ceux-ci parvenaient à
franchir le détroit de Gibraltar.
Chastenet écrit donc de Noguès: "Si son patriotisme le pousse à l'action de résistance, son loyalisme l'éloigne de la rébellion, dont,
le général Legentilhomme, commandant des Forces Armées de la Côte des Somalies, sera le seul à entrer en dissidence!".
D'accord avec Weygand, Baudouin lui télégraphie que seul le gouvernement est en mesure de juger la situation dans son ensemble et
que les clauses de l'armistice écartent toute perspective d'occupation ennemie des dépendances africaines de la France.
"Pour devenir justifiable au point de vue militaire, ajoute le ministre, le transport du gouvernement sur l'autre rive de la Méditerranée
aurait eu besoin de se fonder sur un fait nouveau, tel que l'entrée en guerre des Etats-Unis, qui eût contenu l'annonce d'un changement
ultérieur dans le rapport des forces."
Le résident général balancera encore, mais, son sens de la discipline l'emportant, il ne tardera pas, la mort dans l'âme, à s'incliner;
il ne répondra pas à l'appel que lui lancera de Gaulle et il mandera à Weygand: "Je resterai à mon poste pour remplir une mission
de sacrifice qui couvre mon front de honte et pour ne pas couper la France en deux". Les autres gouverneurs et résidents généraux
suivront son exemple, à l'exception du seul général Legentilhomme.
Décidément, de Gaulle restera seul ou à peu près à incarner la Résistance à l'heure de l'entrée en vigueur de la convention d'armistice
suspendue à la signature du texte d'une convention franco-italienne en cours de négociation à Rome.
Ce texte, téléphoné dans la nuit du 29 au 24 juin est accepté par le Conseil des ministres dès la matinée du 24. Il sera signé le
soir même à 19 heures quinze par le maréchal Badoglio et le général Huntziger.
A 23 heures, le haut commandement français donne l'ordre à nos unités de cesser partout la résistance armée, et, le 25 juin à minuit
trente cinq, les clairons sonnent enfin, de toutes parts, le "cessez le feu" tant attendu.
Débarqué le 24 juin à Casablanca, Georges Mandel a préparé une proclamation provocante et il a tenté de diffuser ce manifeste où il
dit que "...Dans ces heures de détresse nationale, il a pris le pouvoir. L'armée nationale coloniale et la flotte française poursuivent
la guerre jusqu'à la victoire...", mais l'agence Havas l'éconduit. Nogués, joint au téléphone, fait une réponse bien dilatoire, le
lendemain, malgré ses véhémentes protestations, Mandel sera reconduit sur le "Massilia" pour y être gardé à vue, à l'instar de son
collègue Daladier, accusés de complot contre la sûreté de l'Etat.
Après l'échec de Mandel, et les dispositions prises à son encontre et à celle de Daladier à l'ordre du gouvernement Pétain, l'on peut
mesurer l'influence si désastreuse de la nouvelle orientation politique du général Noguès.
Déjà, dans la nuit du 23 au 24 juin, l'ambassadeur de Grande Bretagne, sir Ronald Campbel, qui vient d'apprendre la signature de la
convention d'armistice, mettant fin au conflit vient dire à Baudouin que n'accordant aucune confiance aux engagements pris tant à
Rethondes qu'à Rome, des éléments blindés allemands n'avaient-ils pas été repérés au matin de ce 23 juin, à l'embouchure de la Gironde?
Il prend l'initiative de la rupture des relations diplomatiques avec la France. Il s'embarque aussitôt après avec le personnel de
l'ambassade, ainsi que ceux du Canada et d'Afrique du Sud, sur le croiseur anglais mouillé dans le port de Bordeaux où il n'entendait
pas être pris au piège par les Allemands.
Les choses prenaient décidément bien mauvaise tournure pour les passagers du "Massilia" que les Anglais auraient souhaité faire venir
en Grande-Bretagne. Le 25 juin, un hydravion, envoyé par Churchill pour prendre en charge Daladier et Mandel, parvint bien à amerrir
dans l'ouest de Rabat mais ses passagers n'étaient pas au rendez-vous. Une seconde tentative de nuit par un sous-marin n'eut pas
plus de réussite. Noguès avait donc bel et bien changé de camp avec une police bien reprise en mains.
Les passagers du "Massilia" informés de l'échec de ces différentes tentatives, durent prendre acte de la situation nouvelle les ayant
comme "assignés à résidence" à bord de ce paquebot où ils se trouvaient totalement bloqués. Une situation convenant parfaitement au
gouvernement Pétain.
Celui-ci se trouvant dès lors encore plus à l'aise pour s'employer à mener à bien la deuxième phase politique qu'il s'était assignée,
la constitution de l'Etat français devant être substituée à la IIIème République.
Lorsque les passagers du "Massilia", parlementaires en cours de mandat, apprirent la convocation de l'Assemblée Nationale du 10
juillet, si soigneusement préparée par Laval et Alibert, ils s'empressèrent de faire valoir leurs droits au retour en métropole
afin de pouvoir participer à cette Assemblée Nationale. Mais le gouvernement soucieux de limiter le plus possible l'opposition à
son projet de déchéance de la IIIème République et de proclamation de l'Etat français, s'employa à tout mettre en oeuvre
pour différer le retour de ces parlementaires en France jusqu'après la tenue de cette Assemblée nationale où le vote en faveur de
l'attribution des pleins pouvoirs à Pétain l'emporta par 569 voix contre les seuls "quatre-vingts" de Vichy qui entrent ce jour-là
dans l'Histoire.