RESISTANCE UNIE en Gironde
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Odyssée des passagers du " MASSILIA " par René BOSDEDORE. | ||
"R.U. n°66 page 1 décembre 2003 |
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10 Juin -10 Juillet 1940, en effet, donc très exactement trente jours entre le départ du gouvernement de
Paris vers les bords de la Loire et le vote, le 10 juillet, par l'Assemblée Nationale de Vichy, des pleins pouvoirs demandés
par le Maréchal PETAIN à effet de lui permettre de prendre des décrets nécessaires à la promulgation d'une Nouvelle Constitution
de l'Etat Français. Et il ne se trouva là que 80 parlementaires assez courageux sur les 649 votants -il est vrai qu'il y avait
la double pression des Allemands qui occupaient Moulins et celle de la menace d'une sorte de pronunciamiento exercée par WEYGAND
depuis Clermont-Ferrand où il avait rassemblé quelques forces, pour refuser de s'associer à l'assassinat de la IIIème République
si bien programmé à partir de la défaite militaire.
Il ne s'était donc pas trompé, bien malheureusement, Paul REYNAUD, lorsqu'il avait téléphoné au matin du 15 Mai à Winston CHURCHILL
pour lui dire; "La route de Paris est ouverte; la bataille est perdue".
Le lendemain, pour rassurer l'opinion, alertée par la percée des forces ennemies dans la région de Sedan, Paul REYNAUD déclarait,
dans une allocution radiodiffusée, que le gouvernement n'envisageait pas de quitter Paris, alors que le Général HERING, gouverneur
militaire de la capitale le pressait à prendre cette décision en vue de pouvoir déclarer Paris ville ouverte en temps opportun.
Ce départ du gouvernement de la capitale, devenu tout à fait inéluctable, fut cependant différé jusqu'au 10 Juin.
Mais le lendemain, 10 Juin, à Briare, sur la Loire, une réunion du Conseil Suprême interallié révélait la fracture entre la
délégation française où Paul REYNAUD était entouré de PETAIN, WEYGAND et de GAULLE, et la délégation britannique conduite
par Winston CHURCHILL assisté de son ministre des Affaires Etrangères Anthony EDEN et de trois généraux dont SPEARS qui reviendra
à Bordeaux, six jours plus tard, pour y embarquer de GAULLE à bord de son avion à destination de Londres. Le 12 Juin, le Conseil
des Ministres se réunissait à Cangey, près d'Amboise, dans le Val de Loire, où le gouvernement se trouvait contraint de poursuivre
sa retraite. Le point de la situation ne laissait plus aucun doute. Il s'avérait très clairement que la campagne de France était
désormais totale- ment perdue. Le Général WEYGNAND, devenu Chef de l'Etat-Major général à la suite du "retrait" du
général GAMELIN, le 18 Mai, fortement soutenu par le vice-président du Conseil, le Maréchal PETAIN se déclarait partisan de la
demande d'un armistice, tandis que le sous-secrétaire d'Etat à la Guerre, le Général de GAULLE, prônait la poursuite de la lutte
jusque dans un réduit breton, s'il le fallait, avant repli éventuel des forces encore disponibles, ainsi que du gouvernement,
en Afrique du Nord où stationnaient des forces très considérables.
Le point de vue du Général de Gaulle était aussi celui du Président du Conseil mais il ne ralliait plus qu'une minorité de
ministres, de l'ordre d'une douzaine sur plus de trente. L'historien Alexandre ZEVAES donne la liste de ces ministres minoritaires,
tenue d'une source très fiable, celle de l'un d'entre eux, le Ministre du Commerce Louis ROLLIN. Au premier rang de ces ministres
minoritaires, Georges MANDEL, en fidèle disciple de CLEMENCEAU, et Louis MARIN, figure emblématique des républicains modérés
du Centre Droit, se montraient les plus réfractaires à toute idée d'armistice.
Faisant néanmoins fort peu de cas de ces velléités de résistance ministérielle, le Général WEYGAND, fort des attributions de
commandement général qui lui avaient été dévolues, ordonnait la retraite générale de nos forces. Le 13 Juin, Paris était déclaré
ville ouverte tandis que Winston CHURCHILL se rendait à Tours où allait siéger le Conseil des Ministres pour présenter la
stupéfiante proposition d'Union Franco-Britannique conçue par Jean MONNET. Mais le Conseil, s'employant à l'organisation du
retrait à Bordeaux du gouvernement, se trouva dans l'obligation de différer sa réponse à la proposition du Premier Ministre
britannique.
Le 14 Juin, alors que les troupes allemandes foulaient déjà le pavé de Paris, et en dépit de l'ordre de retraite donné par le
Général WEYGAND, de violents combats opposaient encore des unités françaises aux forces ennemies dans la région de Verdun comme
en 1916. Le gouvernement, pour sa part, lui aussi comme en 1914 et en 1871 , était en route pour Bordeaux, redevenue pour la
troisième fois dans les temps de malheur, la capitale de ce qui restait, si l'on peut dire, de la France.
C'est au milieu de la plus invraisemblable des cohues que l'on puisse imaginer, celle des cinq à six millions de réfugiés (1)
jetés sur les routes par l'invasion déferlante et comme irrésistible, des forces allemandes, que le gouvernement avait réussi
à gagner Bordeaux pour s'y installer, le 15 Juin, en présence d’une situation particulièrement critique et lourde d'incertitude.
Avant la séance du Conseil des Ministres, le Président Paul REYNAUD proposa au Général WEYGAND de prendre l’initiative de la
demande d'un « cessez-le-feu » tandis que le gouvernement préparerait son départ pour l'Afrique du Nord. Mais le Chef
de l’Etat-Major général n'entra pas dans les vues de Paul REYNAUD. Il lui dit sa désapprobation de l’idée du départ du gouvernement
en Afrique et quant à la situation militaire, il s'en tenait à l’ordre de retraite générale qu'il avait lancé à réunion du Conseil
des Ministres tenu à Cangey, le 12 juin, et pressait le gouvernement à la demande d'un armistice dans le plus court délai
possible. Au Conseil des Ministres tenu quelques heures plus tard dans l’après-midi, Paul REYNAUD accepte une proposition du
Vice-Président du Conseil, Camille CHAUTEMPS, consistant à demander au Reich "les conditions qu'il mettrait à la cessation
des hostilités". D'après les "Mémoires" de Paul REYNAUD, son Vice-Président du Conseil aurait agi dans ce sens
en plein accord avec PETAIN, également Vice-Président du Conseil depuis le remaniement ministériel du 18 mai.
Dès l'ouverture de la séance du Conseil des Ministres du lendemain, 16 juin, dont rien ne donnait alors à penser qu'elle devait
être la dernière du gouvernement REYNAUD, le Maréchal PÉTAIN se prononça une fois de plus partisan de la demande d'un armistice
et, sans plus attendre, à la surprise générale, comme pour mieux appuyer sa démarche, il donnait lecture de sa lettre de démission
du gouvernement.
Duplicité machiavélique ou brusque changement de stratégie politique, dans les deux cas, une manœuvre soigneusement préparée pour
avoir l'effet attendu, celui d'une bombe.
La séance du Conseil se poursuivit cependant et, à 17 heures, le Conseil rejetait la proposition d'Union Franco-Britannique présentée
par CHURCHILL, bien que le Premier Ministre britannique se soit déclaré favorable à la proposition CHAUTEMPS, à condition que la flotte
française gagne les eaux britanniques.
On en était là en cette fin d'après-midi où les choses allaient se précipiter et où le destin de la République allait se jouer
en quelques heures si cruciales, à ce point de la journée du 16 juin, l'une des "trente si peu glorieuses", de la fin de
la IIIème République.
Sans doute était-il déjà trop tard pour aller jusqu'au bout de la proposition du Vice-Président du Conseil CHAUTEMPS, très vivement
soutenue par L.O. FROSSARD, le très influent Ministre de l'Information, mais une proposition qui était loin de faire la majorité au
sein du Conseil. Une situation qui amena Georges MANDEL, Ministre de l'Intérieur, à l'imprudente constatation que s'il y avait encore
des ministres disposés à se battre encore, plus nombreux paraissaient être ceux s'opposant à la poursuite du combat, la déclaration
de MANDEL entraîna le beau tumulte que l'on peut imaginer.
Et c'est alors que véritablement excédé par toutes ces tergiversations le Président du Conseil estima n'avoir d'autre solution à cette
sournoise crise latente que la démission du ministère. Paul REYNAUD, totalement désemparé par tant d'indécision, n'avait certainement
pas évalué les très graves conséquences induites par la démission de son gouvernement; rien de moins en effet, que l'ouverture toute
grande de la voie aux naufrageurs de la République qui n'en demandaient pas davantage.